Pas de nouvelles? Pas forcément une bonne nouvelle
STRATEGIC PLAN

La présentation de mardi dernier ne nous a pas vraiment renseignés (voire pas du tout) sur le développement du groupe sur la période récente. Nous regrettons qu’aucune nouvelle précision n’ait été donnée concernant les procédures de dépôt aux États-Unis (Emergency Use Authorization), en particulier en termes de calendrier. Nous déplorons également qu’il faille attendre aussi longtemps (soit jusqu’à fin avril !) pour avoir un aperçu sur les comptes annuels 2023 et les perspectives financières compte tenu des nouveaux besoins en matière de financement. En résumé, nous sommes déçus.


ACTUALITÉ

Le groupe a organisé un webcast le 6 février pour faire le point sur son développement sur la période récente et sa stratégie commerciale pour 2024.


ANALYSE

Pour commencer et pour être francs, nous avons trouvé la présentation plutôt “creuse”, commençant par un rappel de ce que propose Crossject, soit le(s) produit(s) qu’elle entend vendre et les progrès réalisés ces vingt dernières années.

Le groupe a rappelé qu’il avait conclu un accord aux Etats-Unis avec Syneos, un prestataire de services, qui devrait l’aider à déposer ses dossiers réglementaires aux États-Unis et à lancer commercialement son produit ZENEO une fois les autorisations accordées. En outre, le groupe a de nouveau confirmé poursuivre ses efforts pour faire approuver et commercialiser son ZEPIZURE (au travers notamment d’un accord de licence avec AFT Pharmaceuticals pour l’Australie et la Nouvelle-Zélande et d’un nouvel accord de commercialisation pour l’Europe du Nord). Il a ensuite réaffirmé son intention de se concentrer en 2024 sur les approbations réglementaires pour ZEPIZURE. Si l’ensemble de ces points vont dans le bon sens, ils ne sont pas nouveaux.

En janvier 2024, Crossject a engagé Syneos Health, groupe de services aux laboratoires biopharmaceutiques totalement intégré, pour la préparation au lancement commercial aux États-Unis de son auto-injecteur ZENEO-midazolam (nom proposé ZEPIZURE), un traitement d’urgence innovant dans la prise en charge des crises d’épilepsie y compris celles causées par l’exposition à un agent neurotoxique. Fortement implanté aux Etats-Unis, Syneos Health apportera une réelle expertise dans la commercialisation de nouvelles thérapies à Crossject, au moment même où ce dernier s’apprête à déposer une demande d’autorisation de mise sur le marché. Les principaux détails du contrat signé avec la BARDA aux États-Unis ont également été rappelés (cf. nos précédents commentaires sur le sujet).
Selon le groupe, les discussions avec la FDA concernant les exigences nécessaires à l’autorisation d’utilisation d’urgence de ZEPIZURE sont “en bonne voie”. Si nous ne doutons pas de sa véracité, cette déclaration ne devrait pas suffire à convaincre les investisseurs que les choses iront prochainement dans le bon sens.

Nous déplorons également qu’il faille attendre jusqu’au 24 avril pour la publication des comptes annuels 2023. Une telle attente nous paraît interminable compte tenu du niveau de trésorerie actuel et des éventuels besoins du groupe pour financer son développement avant le lancement commercial de ses produits. En juin 2023, la trésorerie atteignait 5,3m€, sachant bien sûr que la consommation de cash de Crossject devrait se poursuivre pendant encore un (assez) long moment. Au S1 2023, le free cash flow représentait -8,3m€, avec 4,5m€ de capex. Dans ce contexte, la réaction très mesurée du marché (avec un titre à environ -20%) s’explique (en partie) par le fait que face à de nouveaux besoins en termes de financement, le groupe pourrait avoir recours à des instruments dilutifs. Si la direction affirme vouloir faire de son mieux pour éviter d’en arriver à une telle option, rien n’est certain. Compte tenu de l’évolution du titre, les investisseurs ne semblent pas convaincus que le groupe aura réellement le choix. Nous avons également de plus en plus de doutes sur la capacité du groupe à éviter une augmentation de capital ou tout autre instrument dilutif à l’horizon des prochains mois.

Enfin, le départ du directeur des opérations Engineering & Industry (qui en résumé chapeautait la production et le “supply”) a été annoncé. Il sera remplacé par le directeur industriel. Bien que dans fréquent dans la vie d’une entreprise, ce départ ne constitue pas non plus une bonne nouvelle.

Globalement, nous estimons que les investisseurs ont besoin de davantage d’éléments concrets pour être pleinement convaincus des perspectives offertes par le groupe. Même si des progrès ont été réalisés vers la commercialisation de Zeneo, il faudra beaucoup de temps avant que cette dernière ne porte ses fruits, ce qui laisse entrevoir d’autres mauvaises nouvelles sur le front du financement. D’autant plus que Crossject a depuis longtemps eu du mal à respecter les délais. Même en tenant compte des fonds récoltés grâce à l’accord signé avec la BARDA (3,2mUS$ en 2023) et au lease-back de l’immobilier sur plusieurs années, un recours au financement externe devrait s’imposer en 2024, et ce d’autant plus si l’obtention de l’EUA devait prendre plus de temps que prévu. Pour rappel, elle était attendue pour fin 2023/début 2024 et l’horloge tourne.


IMPACT

A ce stade, nous n’allons pas ajuster nos estimations/modèle dans l’attente de la publication des résultats 2023. Néanmoins, nous doutons un peu plus concernant le calendrier des lancements de produits sur le marché américain. S’il est certain que la direction n’a pas toutes les cartes en main en la matière, nous ne pouvons pas ignorer la perspective d’un nouveau recours au financement externe. De fait, nous prévoyons de réviser à la baisse de nos estimations (notamment en raison de rentrées de fonds plus tardives qu’anticipées), ce qui pourrait/devrait peser sur notre objectif de cours.