Quand les grandes entreprises françaises sont dans le collimateur des fonds activistes, leurs assemblées générales sont toujours plus épicées. Après la passe d’armes démarrée en 2015 entre Casino et Muddy Waters, c’est TCI qui avait pris à partie Safran pour la façon dont avait été menée l’acquisition de Zodiac. En Italie, Vivendi est aux prises avec Elliott dans le dossier Telecom Italia. Elliott qui joue depuis plusieurs années les trublions dans le dossier Norbert Dentressangle (XPO Logistics Europe désormais). Cette fois, c’est Lagardère qui est visé par un hedge fund de poids, le britannique Amber Capital.

Amber veut garder Guillemot, pas Sarrau et Valroff

Sur le site internet du ‘Financial Times’, l’une des quatre vignettes de « une » ce matin est consacrée au groupe Lagardère, qui est « ciblé par un activiste partisan d’un remaniement » au sein du conseil de surveillance. Amber, qui possède 3,9% du capital, avait déjà montré les crocs il y a quelques semaines en proposant deux résolutions « non agréées par la gérance et par le conseil de surveillance » en vue de l’assemblée générale prévue demain 3 mai au Carrousel du Louvres. Le fonds spéculatif propose Helen Lee Bouygues et Arnaud Marion comme membres du conseil de surveillance. L’AG 2018 doit renouveler les mandats de Xavier de Sarrau, Yves Guillemot et Patrick Valroff. Amber est d’accord pour renouveler celui du patron d’Ubisoft, mais pas les deux autres. Selon le ‘FT’, le fonds estime que Xavier de Sarrau n’est pas indépendant et qu’il y a trop de financiers au board. Or Patrick Valroff est issu du Crédit Agricole.

Amber reproche la gestion de la société ces dernières années, notamment des acquisitions dispendieuses et mal intégrées, à l’image de Sportfive en 2006. Il en veut pour preuve les 2,3 milliards d’euros de dépréciations d’actifs prises entre 2006 et 2017 et les 860 millions d’euros de frais de restructuration dépensés sur la même période. Dans le même temps, rappelle le quotidien britannique, l’action n’a gagné que 10% contre 97% pour le Stoxx Europe Media. Amber fustige aussi le versement d’un dividende non couvert par les cash-flows ces deux dernières années, mais se dit prêt à soutenir la nouvelle stratégie (i.e. recentrage sur le duty free et l’édition) pour autant que la ligne directrice soit claire et bien étayée. « Lagardère doit éviter de répéter les erreurs du passé », a expliqué Olivier Fortesa, managing partner chez Amber, dans les colonnes du ‘FT’.

Rejet unanime des deux candidatures

Dans la somme des documents préparatoires à l’assemblée générale, Lagardère a d’ailleurs publié l’exposé des motifs du fonds d’investissement et la réponse de son conseil de surveillance. Un document fort intéressant qui permet de mieux cerner les positions des deux camps. Côté Amber, l’on salue les discussions constructives qui ont eu lieu depuis son entrée au capital en juin 2016, et l’on se réjouit du recentrage du groupe. Helen Lee Bouygues, de nationalité américaine, doit apporter « son expertise en conseil en stratégie, en analyse des portefeuilles d’actifs et en retournement opérationnel de sociétés internationales ». Arnaud Marion, spécialiste des sociétés en retournement, « compte à son actif le succès de la restructuration du groupe Doux où il a permis au groupe de mener à terme un plan de retournement très ambitieux, ou la mise en place du plan de restructuration de SoLocal ». Mais la réponse du conseil de surveillance est claire : il estime déjà disposer des compétences nécessaires et être en adéquation avec le code Afep-Medef en matière d’indépendance et de féminisation (deux éléments critiqués par Amber). L’avis a été unanime. Le conseil a par ailleurs fait la leçon sur la notion d’indépendance. « L’apparentement direct ou indirect » d’Helen Lee Bouygues avec les familles Bouygues et Bolloré pose question d’éventuels conflits d’intérêts, écrit-il. Et toc.