Milan (awp/afp) - En mai 2017, Alessandro Profumo, à la longue carrière de banquier, prenait la tête de Leonardo. Faisant fi du scepticisme initial, il a réussi, en deux ans, à redresser le géant italien de l'aéronautique et de la défense. Il veut à présent accélérer sa croissance, malgré des défis persistants.

Bond de 54% du bénéfice net au premier trimestre, après 83% en 2018, chiffre d'affaires en net progrès et titre en hausse de 22% depuis le début de l'année: pour Leonardo Spa (ex-Finmeccanica), les indicateurs sont au vert.

"Nos prévisions pour 2019 sont meilleures que celles de 2018, et en 2020, nous visons des marges à deux chiffres", a expliqué M. Profumo lors d'une récente rencontre avec la presse étrangère. "A la fin de notre plan stratégique, en 2023, nous aurons une dette à zéro", contre 2,8 milliards d'euros aujourd'hui, promet-il.

En 2017 pourtant, le groupe traversait une mauvaise passe, confronté à un recul tant de son bénéfice net (-46%) que de son chiffre d'affaires (-4%), en raison notamment de difficultés dans sa branche hélicoptères.

"Trois mois après mon arrivée, j'ai changé l'équipe de direction. Depuis, nous avons fait un gros travail qui s'est révélé très positif: la rentabilité des ventes (ROS) de ce secteur a atteint 9,4% en 2018, un niveau beaucoup plus élevé que nos concurrents", se félicite le dirigeant de 62 ans.

"Pragmatisme"

Gregory Alegi, spécialiste des questions aéronautiques à l'Université Luiss de Rome, qualifie M. Profumo d'"homme de pragmatisme", à la forte "discipline financière".

L'expert évoque aussi des innovations intéressantes, comme une école internationale de pilotage: "pour la première fois, Leonardo vendra un service et non plus un produit physique".

La nomination de M. Profumo, qui fut directeur général de la banque UniCredit puis président d'une autre banque, BMPS, avait pourtant suscité le scepticisme, vu son manque de connaissance du secteur.

"Je ne suis pas un ingénieur, mais je crois avoir amené une méthode" chez Leonardo, qui peinait en terme de management, estime M. Profumo, qui dit avoir été choisi par le gouvernement --l'Etat est le principal actionnaire de Leonardo avec 30,2% du capital-- car il a su "gérer une situation internationale complexe" chez UniCredit.

Il reconnaît toutefois que les défis sont encore importants, notamment pour certaines activités de l'électronique de défense et surtout la division aérostructure (construction des fuselages), qui "a absorbé beaucoup de trésorerie".

Pour redresser cette branche employant 4.000 personnes, M. Profumo, un Génois d'origine, a changé là aussi les dirigeants et lancé une importante restructuration.

Partenariats

S'il exclut une fusion à l'échelle du groupe, M. Profumo estime que des partenariats pourront se faire à l'avenir au niveau de branches d'activité, comme par exemple les torpilles.

Dans un tel scénario, Leonardo entend garder le contrôle majoritaire, s'il est en position de leader sur son marché, mais est prêt à laisser la main à un éventuel partenaire dans le cas contraire.

Selon M. Alegi, une autre difficulté de Leonardo tient dans le "soutien du gouvernement, qui a toujours été moindre que dans d'autres pays, comme l'Angleterre, la France et les Etats-Unis". L'Italie consacre ainsi seulement 1,15% de son PIB à la défense, contre 2% fixé comme objectif par l'Otan.

Interrogé à ce sujet, M. Profumo conteste: dans le cadre d'un consortium européen, en mars 2018, soit sous le précédent gouvernement de centre-gauche, "nous avons remporté un contrat de trois milliards d'euros au Qatar parce que nous avons eu le soutien de l'Etat"

Le gouvernement actuel est divisé, la Ligue (extrême droite) voulant soutenir le secteur, tandis que le Mouvement 5 étoiles (antisystème) est par nature pacifiste.

Le contexte n'est pas non des plus favorables, met en garde M. Alegi. Le Brexit pourrait compliquer les affaires de Leonardo, qui compte une partie de son activité au Royaume-Uni, tout comme le nationalisme économique de Donald Trump, alors que les Etats-Unis sont le premier marché du groupe (28% de son chiffre d'affaires en 2018)

afp/rp