HALDEN, Norvège (Agefi-Dow Jones)--Le fabricant de câbles Nexans aborde 2019 dans un esprit de reconquête, après une année 2018 marquée par un avertissement sur résultats et une chute du titre en Bourse de plus de 50%. Le groupe compte redorer son blason auprès des investisseurs en tenant ses objectifs, ce qui lui a trop souvent fait défaut par le passé, explique son directeur général Christopher Guérin dans un entretien accordé à deux médias dont l'agence Agefi-Dow Jones. Le dirigeant entend, dans cette optique, redresser Nexans via un plan de transformation à l'horizon 2021 et recentrer son groupe sur la valeur en abandonnant la course aux volumes. Ce qui constitue aussi pour lui un moyen de riposter à l'émergence de concurrents chinois, a expliqué le dirigeant lors d'une présentation du site de production de câbles sous-marins de Halden, en Norvège.

Comment comptez-vous regagner la confiance du marché ?

Christopher Guérin: "Chaque semestre sera un rendez-vous. Mais il est clair que Nexans n'a plus le droit de décevoir. En 10 ans, nous n'avons atteint que quatre fois nos objectifs financiers. Nous avons donc besoin de montrer que nous sommes fiables dans nos perspectives. Nous comptons atteindre cette année un EBITDA (excédent brut d'exploitation, NDLR) de 350 à 390 millions d'euros, ce qui correspond au consensus du marché. Nous sommes confiants sur la réalisation de cet objectif et nous resserrerons cette fourchette après les résultats du premier semestre, en juillet".

Quels retours avez-vous reçus au plan communiqué en novembre?

CG: "Nous avons rencontré 170 investisseurs en l'espace de six mois, ce qui constitue un record. Leurs réactions ont été positives car ce plan ne repose pas sur la croissance absolue, la croissance n'étant pas un facteur que nous pouvons maîtriser. En revanche, travailler sur la réduction des coûts, sur un plan de transformation ainsi que sur une croissance limitée mais ciblée rassure le marché. Car nous travaillons ainsi sur nos forces internes au lieu de bâtir notre plan d'amélioration de marges sur des facteurs externes".

Ce plan vous permet-il de procéder à des acquisitions en 2019 ?

CG: "Ce plan n'est pas contraint par une notion d'interdiction. Mais une acquisition réussie signifie qu'il faut intégrer et transformer rapidement l'entreprise acquise, en tenant compte de sa culture. A l'heure actuelle, je considère que Nexans n'est pas prêt car le groupe a lui-même besoin de se transformer. En 2019, nous serons concentrés à 100% sur ce sujet".

Quels sont vos objectifs au-delà de 2019 ?

CG: "Pour 2020, notre EBITDA devrait se situer entre 420 et 450 millions d'euros, soit davantage que les 411 millions d'euros que nous avions atteint en 2017. Ainsi, 2020 sera une étape importante sur la trajectoire de l'objectif de 500 millions d'euros visé pour 2021. C'est un cap symbolique qui correspond à l'EBITDA record que nous avions atteint en 2008. Il s'agit d'un objectif ambitieux mais qui n'est pas démesuré".

Votre restructuration prévoit 643 suppressions nettes de postes. Quand produira-t-elle ses premiers effets ?

CG: "Nous avons débuté le 24 janvier le processus d'information et de consultation des instances représentatives du personnel dont nous attendons le terme d'ici la fin du semestre. Lorsque cela est possible, nous privilégions une approche basée sur le volontariat afin de favoriser la recherche de solution de reclassement des salariés impactés par le projet de réorganisation. Les premiers effets devraient en conséquence se faire sentir à partir du dernier trimestre et gagneront en intensité au cours de l'année 2020".

Comptez-vous céder les activités que vous décrivez comme des "value burners" ?

CG: "A l'heure actuelle, nous n'avons pas prévu de nous séparer de ces activités destructrices de valeur. Nous souhaitons d'abord voir, cette année, s'il n'existe pas des 'pépites' cachées que nous pourrions révéler en les redressant grâce à notre méthode d'analyse et de pilotage dite SHIFT, inspirée du capital-investissement. Par exemple, lorsque nous avons appliqué cette méthode en Europe entre 2014 et 2017, nous avions identifié nos activités en industrie dans le nord de la France parmi les 'value burners'. Ces activités sont ensuite devenues un vecteur de profits pour le groupe. La question des cessions des 'value burners' pourra se poser en 2020, une fois ce travail préalable accompli".

Craignez-vous la concurrence de nouveaux acteurs, chinois par exemple ?

CG: "Deux groupes chinois, ZTT et Hengtong, réalisaient chacun 400 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2008. Aujourd'hui leurs revenus ont été multipliés par dix à 4 milliards d'euros. Leur développement a été porté par l'activité dans les télécoms, mais désormais 92% des villes de plus de 2 milliards d'habitants en Chine sont reliées à la fibre optique. Il leur faut donc trouver des débouchés à l'export pour occuper leurs importantes capacités de production. Ces groupes se sont d'abord exportés aux Etats-Unis mais ils pourraient devenir de sérieux concurrents d'ici deux ou trois années en Europe".

Comment comptez-vous riposter ?

CG: "Ces groupes chinois sont des acteurs de volumes. Voilà pourquoi la course aux volumes est terminée pour Nexans. Nous devons nous orienter vers la valeur en nous transformant et en proposant non plus seulement des câbles, mais aussi des solutions clef en main et des services, un marché qui devrait atteindre 120 milliards d'euros d'ici à 2030. Cette montée dans l'échelle de valeur est à l'ordre du jour et le sera encore davantage lors de notre prochain plan qui portera sur l'après 2021. Il s'agit de la meilleure réponse à apporter à l'émergence de ces acteurs chinois".

Que manque-t-il à Nexans pour devenir Prysmian ?

CG: "Nous ne serons jamais Prysmian. Ce groupe a capté énormément de valeur à travers la croissance par les volumes, grâce à d'importantes acquisitions qui se sont très bien déroulées. Ce sont également des leaders en matière de coûts. L'ADN de Nexans, de son côté, est fortement porté par l'innovation et le marketing. Ces points forts ont certainement été très mal orchestrés depuis 10 ans car nous n'en tirons pas les bénéfices. Nexans bénéfice également d'une très belle image auprès des clients. Cette image devrait générer une prime qui ne s'est pas encore matérialisée".

Craignez-vous l'activisme des fonds présents à votre capital ?

CG: "Le fonds Amber est de nouveau actionnaire de Nexans. Mais ces investisseurs ne sont pas activistes par essence. Ils ne le deviennent qu'en cas de désaccord avec votre stratégie. Nous avons rencontré plusieurs investisseurs similaires. Ils sont plutôt alignés sur notre plan mais attentifs à l'atteinte de nos résultats."

-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94; jmarion@agefi.fr ed: ECH

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