(Actualisé avec communiqué des émissaires de l'Igad)

par Aaron Maasho et Carl Odera

ADDIS-ABEBA, 8 janvier (Reuters) - Les négociations d'Addis-Abeba sur le Soudan du Sud n'ont pu reprendre mercredi en raison du refus de Juba de libérer onze opposants accusés d'avoir voulu renverser le président Salva Kiir le mois dernier.

Les affrontements politico-ethniques entre Dinka favorables au chef de l'Etat et Nuer partisans de l'ancien vice-président Riek Machar, destitué en juillet dernier, ont éclaté à la mi-décembre au Soudan du Sud, indépendant depuis juillet 2011. Ils ont fait un millier de morts et plus de 200.000 déplacés.

Les deux camps se sont rencontrés face à face pour la première fois mardi dans la capitale éthiopienne mais les discussions ont rapidement été suspendues, les rebelles exigeant la libération "immédiate" des onze "détenus politiques".

L'Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad), organisation régionale à l'origine des négociations, a envoyé mardi trois émissaires à Juba, conduits par l'ex-ministre éthiopien des Affaires étrangères Seyoum Mesfin, pour tenter de convaincre Salva Kiir de libérer les prisonniers.

Mais le gouvernement de Juba a rejeté cette exigence, affirmant que la procédure judiciaire devait suivre son cours.

"Nous voulons entendre ce qu'ont à dire les médiateurs de l'Igad avant de décider ce que nous allons faire", a déclaré Mabior Garang, porte-parole de la délégation rebelle à Addis-Abeba. Les délégués de l'Igad, revenant de Juba, étaient attendus dans la soirée dans la capitale éthiopienne.

Le porte-parole du président Kiir, Ateny Wek Ateny, a fait savoir que le gouvernement avait proposé que les négociations se tiennent à Juba, dans les locaux des Nations unies.

Les onze opposants détenus seraient autorisés à assister aux discussions dans la journée mais devraient regagner leurs cellules en soirée, a-t-il précisé.

COMBATS PRÈS DE BOR

"Il semble que cette proposition ait été rejetée", a dit Ateny. Taban Deng Gai, qui dirige la délégation de l'opposition à Addis-Abeba, a estimé que Juba ne serait pas un endroit convenable pour y transférer les négociations. "Ce n'est qu'une grande prison", a-t-il dit de la capitale sud-soudanaise.

Selon Peter Biar Ajak, qui dirige à Juba le Centre d'analyses et de recherches stratégiques, la plupart des onze opposants emprisonnés ne sont pas vraiment des partisans de Machar mais des "Garang Boys", anciens camarades de John Garang, héros de la lutte pour l'indépendance mort en 2005.

"Aucune solution durable à la crise ne sera trouvée sans l'implication de ces Garang Boys", a-t-il dit.

Les émissaires de l'Igad, qui ont regagné Addis-Abeba dans la soirée, assurent dans un communiqué que Salva Kiir et les détenus se sont dits partisans des négociations.

Les onze "ont, qui plus est, déclaré que leur statut de détenu ne devait pas constituer un obstacle à la conclusion d'un accord de cessation des hostilités", ajoutent-ils.

Michael Makuei, qui dirige la délégation du gouvernement sud-soudanais en Ethiopie, a précisé que l'Igad avait avancé des propositions sur un cessez-le-feu qui devraient être discutées si les négociations reprennent.

Lul Ruai Koang, porte-parole de l'opposition pour les questions militaires, a affirmé à Addis-Abeba que les forces rebelles avaient attaqué des soldats gouvernementaux près de la ville de Bor, au nord de Juba, et s'étaient rapprochés de la capitale.

Les insurgés n'attaqueront pas Juba sans en avoir reçu l'ordre de leur direction politique, en cas de rupture des discussions en Ethiopie, a-t-il ajouté. "Nous sommes prêts à agir si on nous le demande."

A Juba, le porte-parole militaire du gouvernement, Philip Aguer, a aussi fait état de combats près de Bor et dans d'autres secteurs, notamment dans l'Etat du Nil supérieur, une région pétrolifère.

Il a ajouté que l'homme politique David Yau Yau, qui a par le passé mené une insurrection dans l'Etat du Jonglei, avait accepté de se rallier aux gouvernementaux. (Guy Kerivel et Jean-Philippe Lefief pour le service français)