Francfort (awp/afp) - La pandémie contraint l'Allemagne à mettre durablement entre parenthèses la discipline budgétaire dont elle s'est longtemps fait un parangon en Europe, a prévenu mardi un proche d'Angela Merkel, Berlin prévoyant une dette importante ces prochaines années.

Le chef de la chancellerie, Helge Braun, a annoncé que "le frein à l'endettement ne sera pas respecté dans les années à venir, même avec une discipline de dépenses par ailleurs stricte", dans une tribune publiée par le quotidien économique Handelsblatt.

En d'autres termes, ce proche de la chancelière Angela Merkel milite pour une exemption durable à la sacro-sainte règle du "frein à l'endettement" inscrite depuis 2009 dans la Loi fondamentale allemande et qui permet au pays d'afficher à ce jour le plus faible taux d'endettement public au sein des pays du G7.

Or, le renoncement durable à la limitation aux déficits relève d'une "décision stratégique pour la reprise économique", de même qu'elle vise à offrir un "cadre fiable pour les investissements" dont le pays a besoin pour défendre sa compétitivité, justifie Helge Braun.

"Le moment est venu pour les responsables politiques et les partenaires sociaux de développer une stratégie commune sur comment l'Allemagne peut se remettre économiquement et durablement de cette crise", a-t-il encore plaidé.

La levée de la rigueur budgétaire signifie aussi que l'on ne touchera pas aux prélèvements sociaux "d'ici la fin de 2023" et qu'il n'y aura pas d'"augmentations d'impôts" pour éponger la dette, ajoute-t-il.

Evolution significative

A huit mois des élections législatives, cette prise de position marque une évolution significative du parti conservateur, l'Union chrétienne-démocrate (CDU) qui jusqu'ici promettait un retour rapide à la discipline budgétaire, l'inverse de son allié dans la "grande coalition", le parti social-démocrate (SPD).

La règle du frein à l'endettement interdit en temps normal au gouvernement fédéral d'emprunter plus de 0,35% de son PIB.

Dans des circonstances exceptionnelles, celui-ci peut toutefois demander aux députés l'autorisation de dépasser ce seuil.

Cela s'est passé en juin quand le pays a lancé un vaste plan de relance de 130 milliards d'euros pour des investissements d'avenir et une relance de la consommation afin de tenter de surmonter les conséquences négatives d'une "mise sous cloche" du pays en raison de l'épidémie de Covid-19.

Après des années de stricte discipline budgétaire, Berlin avait alors pour la première fois fait sauter la règle du frein à l'endettement.

Ces dépenses occasionneront 300 milliards d'euros de nouvelles dettes en 2020 et 2021, selon le ministère des Finances.

Moins de croissance

L'appel de M. Braun intervient dans un contexte de durcissement des restrictions liées au coronavirus.

Berlin s'inquiète particulièrement de l'apparition de nouveaux variants du virus tandis que la campagne de vaccination connaît des retards et soulève de nombreuses critiques.

Le ministre de l'Economie, Peter Altmaier, doit présenter mercredi la prévision actualisée de croissance du gouvernement allemand pour cette année.

Or, après le recul de 5,0% du Produit intérieur brut subi en 2020, la prévision d'un rebond de 4,4% cette année pourrait être rabotée à quelque 3%, selon la presse.

Helge Braun ne prône certes pas un assouplissement "permanent" de la règle de la dette, mais un "amendement à la Loi fondamentale" pour permettre de graduellement revenir, après quelques années, vers un équilibre des finances publiques.

Même entourée de précautions, l'idée a soulevé des critiques.

"Un changement constitutionnel pour réformer le frein à l'endettement est le début de sa fin", a assuré le président du comité des sages économiques conseillant le gouvernement, Lars Feld, dans le "Rheinische Post".

Selon l'économiste, l'Union CDU-CSU devrait faire "tant de concessions aux autres partis qu'il n'y aurait plus de limitation effective de la dette nationale en Allemagne" à côté des "règles budgétaires européennes" qui sont déjà "enfoncées", ajoute M. Feld.

Dans l'opposition, la cheffe du parti de la gauche radicale Die Linke, Katja Kipping, estime au contraire que cette proposition ne va pas assez loin contre "le précédent fétichisme du frein à l'endettement de l'Union", citée par "Die Welt".

afp/ck