Je commence par un retour en arrière ce matin, jusqu'en 1992. Ici en Savoie, c'est synonyme de jeux olympiques d'Albertville, mais aux Etats-Unis, c'était plutôt le début des années Clinton. Le candidat démocrate avait détrôné George Bush père en respectant les trois lignes directrices tracées par son conseiller James Carville : "le changement par opposition au conservatisme", "l'économie, crétin" et "ne pas oublier la santé". L'expression "l'économie, crétin" ou plus généralement "C'est l'économie qui compte, crétin", a depuis été utilisée à toutes les sauces et a même intégré la pop-culture en servant de base à d'autres messages. Chez nous on dirait probablement "c'est la tartiflette qui compte, crétin", mais des gens beaucoup moins drôles s'en servent pour des sujets sérieux, par exemple "C'est le climat qui compte, crétin". Ceci dit personne ne les écoute.

Bref, cette phrase, "C'est l'économie qui compte, crétin", envoie grosso-modo le message que c'est l'économie qui finit par décider de tout, en tout cas qui préoccupe généralement le plus les gens (en l'occurrence les électeurs pour en revenir à Clinton, qui avait une présidentielle à gagner). Et donc, le crétin du jour, c'est moi (un crétin des Alpes, si vous suivez bien). Parce que franchement, je ne comprends pas grand-chose aux statistiques macroéconomiques qu'on nous sert depuis quelques mois. A chaque fois qu'on a l'impression qu'une série devient assez cohérente pour créer une tendance, paf, une statistique divergente se pointe. Illustration encore ces derniers jours avec des indicateurs d'activité et d'emploi plutôt meilleurs que prévu en Europe et aux Etats-Unis alors qu'on se farcit le cerveau de crise de ceci ou de cela. J'ai bien quelques théories fumeuses, comme l'obsolescence du logiciel économique classique ou le profond dérèglement provoqué par 15 ans d'argent gratuit, mais rien pour les étayer sérieusement.

Le truc, c'est que je ne suis pas le seul à avoir du mal à suivre. Les investisseurs ont des sursauts euphoriques ponctuels, mais ils marchent ensuite sur le râteau. Certes, les indices ont repris pas mal de terrain sur leurs plus bas d'octobre, mais ils ont du mal à s'extirper de la phase de doute. Hier, le S&P500 américain a reperdu 1,8%, embarqué dans le rouge par la majeure partie de ses composants, hormis les plus défensifs comme la santé. En Europe, la baisse était moins forte, mais le Stoxx Europe 600 a rendu 0,4%. Les signaux positifs en provenance d'une réouverture de l'économie chinoise, par l'entremise d'une politique sanitaire plus souple, ont probablement atténué la baisse mais ne sont pas parvenus à remettre les indices dans le sens de la marche. Il n'y aura guère d'éléments macroéconomiques aujourd'hui pour changer le sens du vent, puisque l'agenda ne comprend que les commandes d'usines allemandes. Je dois quand même souligner que la banque centrale australienne a relevé son taux directeur de 25 points de base pour le porter à 3,1%, comme prévu. La RBA a signalé que la trajectoire reste haussière. Elle a eu ces mots, qui je trouve caractérisent bien le sentiment général : "La voie à suivre pour parvenir à la baisse nécessaire de l'inflation et à un atterrissage en douceur de l'économie reste étroite".

De quoi parle-t-on ce matin sur les marchés ? De l'Europe et des États-Unis qui réfléchiraient ensemble à imposer des surtaxes douanières à l'acier et à l'aluminium chinois, selon des informations obtenues par Bloomberg. On parle aussi de Goldman Sachs qui profite des soldes dans les sociétés de cryptomonnaies pour faire son marché. Il est aussi pas mal question de découplage entre le marché chinois et les autres marchés. Hong Kong, Shanghai et Shenzhen ont l'air moins infréquentables depuis que Pékin a décidé de retourner sa veste sanitaire. Les investisseurs ne sont pas insensibles au cocktail valorisations faibles, macro qui touche le fond et signaux politiques positifs.

Enfin, ça débat sévèrement sur le fait de savoir si les propos présumément plus souples de Jerome Powell sur la politique monétaire de mercredi dernier n'ont pas été surinterprétés par le marché. Le doute est visible dans les rendements obligataires, qui sont remontés tout en restant éloignés des pics précédents. Les pronostics restent toutefois en faveur d'une hausse de taux de 50 points de base et non de 75 points de base lors de la prochaine décision de politique monétaire de la Fed, le 14 décembre. Mais l'euphorie de la semaine dernière a l'air de s'être évaporée. Il ne faudrait pas que d'autres statistiques économiques positives viennent contrecarrer les plans diaboliques des investisseurs qui misent sur une dégradation suffisamment visible pour que la banque centrale américaine cesse de renchérir le coût de l'argent.

Côté sociétés, le patron de Crédit Suisse, Axel Lehmann est tellement présent dans les médias que je me demande s'il n'a pas été cloné. Il s'emploie à recréer une ébauche de confiance en martelant que l'hémorragie des fonds de clients a pris fin. Par ailleurs, Deutsche Börse a indiqué que Porsche AG remplacera Puma dans l'indice DAX. Aux Etats-Unis, c'est Textron qui a remporté le contrat d'hélicoptères militaires de la décennie, tandis que Microsoft déroule le tapis rouge à Sony pour Call of Duty, dans l'espoir de recevoir le feu vert antitrust au rachat d'Activision.

Les parcours sont assez disparates au Levant, mais à dominante baissière. Tokyo et Shanghai grappillent quelques points en fin de parcours, mais Sydney et Bombay cèdent un peu de terrain. Séoul et Hong Kong sont en repli plus marqué. Les indicateurs avancés européens laissent entrevoir une ouverture en baisse modérée.

Les temps forts économiques du jour

Petite journée en perspective, avec les commandes d'usines allemands d'octobre à 8h00, et c'est à peu près tout. Tout l'agenda macro ici. Cette nuit, la banque centrale australienne a relevé son principal taux directeur à 3,1%, comme le prévoyait la majorité des économistes. La RBA a précisé que la pente restait à la hausse, mais sans prédétermination.

L'euro reperd du terrain à 1,0495 USD. L'once d'or reflue de concert à 1773 USD. Le pétrole se replie, avec un Brent de Mer du Nord à 83,10 USD le baril et un brut léger américain WTI à 77,37 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans remonte à 3,59%. Le bitcoin s'échange autour de 17 000 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Bankinter : J.P. Morgan passe de neutre à souspondérer en visant 5,70 EUR.
  • Barclays : J.P. Morgan passe de neutre à surpondérer en visant 220 GBp.
  • Close Brothers : J.P. Morgan passe de neutre à souspondérer en visant 1120 GBp.
  • Coloplast : AlphaValue reste à accumuler avec un objectif de cours relevé de 1008 à 1012 DKK.
  • Elior : Stifel passe de vendre à conserver en visant 2,90 EUR.
  • Flatexdegiro : KBW passe de surperformance à performance de marché en visant 8 EUR.
  • Hikma : RBC démarre le suivi à surperformance en visant 1750 GBp.
  • Ipsen : Barclays reprend le suivi à pondération en ligne en visant 115 EUR.
  • Lloyds : J.P. Morgan passe de surpondérer à neutre en visant 58 GBp.
  • Rémy Cointreau : AlphaValue reste à alléger avec un objectif de cours relevé de 178 à 182 EUR.
  • Richter : RBC démarre le suivi à surperformance en visant 12 600 HUF.
  • Romande Energie : Baader Helvea démarre le suivi à accumuler en visant 1250 CHF.
  • SAP : Oddo BHF passe de neutre à sousperformance en visant 94 EUR.
  • Société Générale : J.P. Morgan passe de surpondérer à neutre en visant 28 EUR.
  • UCB : Barclays passe de pondération en ligne surpondérer en visant 120 EUR.
  • United Utilities : J.P. Morgan passe de surpondérer à neutre en visant 1100 GBp.
  • VAT Group : Research Partners passe de conserver à acheter en visant 325 CHF.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Saint-Gobain serait sur le point de vendre sa filiale de vente au détail britannique Jewson à CVC pour 1 Md$.
  • EssilorLuxottica signe un accord de licence exclusif pour 10 ans avec Swarovski.
  • Veolia finalise la cession de ses activités de gestion des déchets britanniques pour 2,3 Mds€.
  • S&P relève la note de crédit de LVMH d'un cran, à "AA-", perspective stable.
  • Air Liquide signe un accord pour céder son activité à Trinité-et-Tobago à Massy Gas Products Holding.
  • Aéroports de Paris finalise le débouclage des participations croisées avec Royal Schiphol.
  • Voltalia boucle son augmentation de capital de 490 M€ à 13,70 EUR l'action.
  • MRM lève 29 M€ à 48,92 EUR l'action pour racheter deux centres commerciaux à Altarea.
  • Oncodesign réussit son augmentation de capital de 8 M€.
  • Thales et TotalEnergies détachent des coupons.
  • Quadient, Catana et Wavestone ont publié leurs comptes.

Dans le monde

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Porsche AG remplacera Puma dans le DAX.
  • SKF envisagerait de vendre son activité aérospatiale sous la pression de Cevian, selon Bloomberg.
  • L'armée américaine attribue à Textron le contrat de remplacement des hélicoptères Black Hawk.
  • Xavier Niel, actionnaire de Vodafone, réclame une nouvelle feuille de route pour rationaliser les opérations au moment du changement de PDG de l'opérateur.
  • PepsiCo pourrait supprimer des centaines d'emplois administratifs, selon le Wall Street Journal.
  • Microsoft propose à Sony un contrat de 10 ans pour Call of Duty, conditionné à l'approbation de l'acquisition d'Activision Blizzard.
  • La CEO de Fresenius Medical Care démissionne, remplacé par sa directrice financière.
  • Implenia remporte un grand projet d'infrastructure complexe en Allemagne.
  • Pfizer et BioNTech demandent au tribunal américain de rejeter la plainte pour violation de brevet du vaccin COVID-19 de Moderna.
  • Butterfield, le PDG de Slack, quitterait Salesforce.
  • BlackRock et Schlumberger détachent des dividendes.
  • Principales publications du jour : Fastenal, Ferguson, Ashtead, Brunello CucinelliTout l'agenda ici.

Lectures