* Le bonus-malus, "mortifère pour l'emploi"

* Le patronat présentera ses alternatives mardi

* Les syndicats poussent toujours pour le dispositif

PARIS, 21 janvier (Reuters) - Patronat et syndicats affûtent leurs armes avant la séance de négociation sur l'assurance chômage de mardi qui doit aborder la question du bonus-malus, sujet explosif de la réforme qui vise à réaliser 3 à 3,9 milliards d'euros d'économies.

Le patronat doit présenter aux syndicats ses "alternatives" à ce dispositif promis par Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle qui consiste à moduler les cotisations patronales pour décourager le recours aux contrats de courte durée.

Les entreprises veulent éviter à tout prix ce modèle qu'elles jugent "mortifère pour l'emploi", quitte à accorder des droits nouveaux pour les chômeurs.

"Dans un pays où le taux de prélèvements obligatoires sur les entreprises (...) est le plus élevé d'Europe, cette taxation supplémentaire va détériorer un peu plus les marges et donc la compétitivité des entreprises ou les conduire à freiner leurs recrutements", écrivent la CPME, le Medef et l'U2P dans un texte remis lundi aux syndicats.

Parmi les alternatives devraient figurer une priorité de réembauche données aux salariés en CDD, idée présentée par le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, début janvier, la suppression du délai de carence entre deux CDD, un meilleur abondement du Compte personnel de formation (CPF), ou encore le développement des groupements d'employeurs.

Pour les partenaires sociaux, la séance de mardi est celle "de la dernière chance". "Soit ils apportent quelque chose de concret, des chiffrages, soit ça ne tient pas la route et on reste sur notre idée du bonus-malus", a dit le négociateur pour la CFTC, Eric Courpotin, à l'issue de la négociation de janvier.

"Il n’y aura pas d’accord sans éléments concrets sur la responsabilisation des employeurs. On ne peut pas nous demander d’être durs avec les demandeurs d’emploi et souple avec les entreprises", a prévenu pour sa part la négociatrice pour la CFDT, Marylise Léon.

BILAN "MAIGRE" DES BRANCHES

Jusqu'alors, le patronat s'appuyait sur les travaux menés par les branches professionnelles pour échapper au bonus-malus.

Mais "le bilan est maigre", dit la CFDT. Seules six branches sur la quarantaine ayant engagé des négociations sont parvenues à des accords: la métallurgie, la propreté, le commerce et de la distribution, les travaux publics, l’import-export et les domaines skiables.

Elles prévoient justement la suppression du délai de carence entre deux CDD, des contrats de chantier spécifiques (contrat qui prend fin une fois le projet associé terminé) ou encore des ajustements sur le temps de travail.

Ces accords sont davantage issus de la réforme du Code du Travail engagée en septembre 2017 que de la lutte contre la précarité, dit Marylise Léon.

Pour les partenaires sociaux, le bonus-malus reste le meilleur dispositif pour lutter contre la précarité grandissante - les contrats d'un moins et moins ont été multipliés par 2,5 dans les vingt dernières années et concernent 400.000 personnes.

La CGT proposera un calcul qui tiendra compte de la situation des sous-traitants, notamment des PME, souvent mises sous pression par les grands donneurs d'ordres.

Force ouvrière souhaite moduler les cotisations patronales en fonction du nombre de contrats courts par rapport au nombre total de contrats, ramené à un "taux pivot" variant selon la taille de l'entreprise et le secteur d'activité.

La CFDT et la CFTC parlent de cotisations calculées uniquement à la baisse pour encourager les entreprises à être plus vertueuses.

Le gouvernement, tiraillé sur la question, avait semblé faire marche arrière en évitant d'écrire le terme de "bonus-malus" dans sa lettre de cadrage pour le remplacer par "mécanisme réellement incitatif pour responsabiliser les entreprises".

Sans affirmer encore que ce dispositif sera choisi, on assure dans l'entourage de la ministre Muriel Pénicaud que les entreprises devront "faire leur part", dans un contexte de crise des "Gilets jaunes". "On ne peut pas demander seulement des économies aux chômeurs", ajoute-t-on en précisant que Matignon et l'Elysée se sont accordés sur la question. (Caroline Pailliez, édité par Yves Clarisse)