Washington (awp/afp) - Vouloir parler "en langage simple" tout en évitant de fournir des certitudes sur l'avenir de la politique monétaire relève de la gageure pour le président de la Fed Jerome Powell, dont la communication a récemment dérouté les marchés.

Le patron de la plus puissante banque centrale du monde aura l'occasion mercredi, au cours de la première de ses huit conférences de presse de l'année, de clarifier le cours de la politique monétaire américaine.

Les faux pas des dernières semaines sont loin d'être seuls responsables de la volatilité des marchés. Mais ils ont ajouté aux incertitudes économiques provoquées par les tensions commerciales entre Washington et Pékin, les critiques de Donald Trump envers la Fed et le ralentissement de la croissance mondiale. Sans compter l'impact de la fermeture de l'administration américaine sur fond de bras de fer budgétaire entre la Maison Blanche et les démocrates au Congrès.

"Le grand défi, c'est de transmettre l'idée d'une plus grande incertitude", résume David Wessel, expert sur la politique monétaire auprès de la Brookings Institution, interrogé par l'AFP.

Dans ce contexte, Jerome Powell, a d'abord dit début octobre que les taux de la Fed étaient "encore très loin" du taux "neutre" auquel elle aspire, impliquant que de nouveaux tours de vis se profilaient. Un mois plus tard, il a corrigé le tir et rassuré les marchés en affirmant que les taux étaient "proches" de ce niveau.

Idem, au sortir de la dernière réunion du Comité monétaire en décembre, M. Powell a omis d'insister en conférence de presse sur le fait que la Fed serait désormais "patiente" sur les taux.

Il a fallu attendre la publication des minutes de la réunion début janvier et les discours répétés de ses lieutenants pour que les marchés entendent que "patience" était désormais le maître-mot de la voie monétaire.

La valse des messages a aussi porté sur le sort de la réduction du bilan de la Fed, une question sensible puisque ce processus équivaut à une légère hausse des taux à moyen terme.

Jerome Powell a d'abord réitéré que le délestage des bons du Trésor était "en pilotage automatique" avant que ses adjoints n'admettent que le rythme de désengagement pourrait être révisé si besoin.

Erreurs de débutant?

Ces incidents de communication sont-ils des erreurs de débutant, le reflet d'une déconnexion avec les marchés, comme le lui a reproché Donald Trump, ou la volonté de s'affranchir trop tôt du message d'orientation monétaire ("forward guidance") ce qui a déboussolé les acteurs financiers?

"De mon point de vue, c'était une erreur de penser que la Fed pouvait si facilement se passer d'indications prospectives" sur la politique monétaire à venir, estime Tim Duy, professeur d'économie de l'Université de l'Oregon. "Ils ont créé trop d'incertitude alors que les marchés avaient besoin du contraire", a-t-il déclaré à l'AFP.

Pendant des années en effet, pour soutenir la reprise après la crise de 2008, le Comité monétaire (FOMC) a répété toutes les six semaines dans son communiqué officiel que la politique monétaire serait "accommodante", une indication prospective introduite pour plus de transparence par le patron de la Fed de l'époque, Ben Bernanke.

Mais entrant dans une période de plus grand flou économique, Jerome Powell a voulu donner davantage de liberté à la Fed. Il a instauré une conférence de presse après chaque réunion monétaire en 2019, ce qui paradoxalement rend davantage possible une action impromptue sur les taux. Il a aussi raccourci le communiqué, fait disparaître les indications prospectives et affirmé que la Fed serait désormais seulement "dépendante des données".

"Ils ont essayé de se détacher du message d'orientation monétaire mais cet effort est tombé à plat et ils ont dû multiplier les apparitions publiques", a encore souligné Tim Duy, faisant référence à plusieurs discours où les responsables de la Banque centrale ont entonné le nouveau refrain de la "patience" et de la "pause" sur les taux.

Ancien avocat et banquier d'affaires, mais pas économiste de formation, Jerome Powell, à la tête de la Fed depuis un an, a fait preuve d'un style direct et pragmatique qui était d'abord apparu rafraîchissant.

Janet Yellen qui l'a précédé de même que Ben Bernanke, sans parler d'Alan Greenspan, connu pour ses déclarations alambiquées, "parlaient +économique+ comme première langue", ironise David Wessel. "Pour M. Powell sa première langue est l'anglais qu'il traduit ensuite en +économique+", poursuit-il, ajoutant: "il apprendra!" .

afp/jh