Paris (awp/afp) - A cinq mois des récoltes dans l'hémisphère Nord, la compétition acharnée à laquelle se livrent les exportateurs alimente la tendance baissière des prix des céréales, sans favoriser pour autant une reprise forte de la demande.

Les cours étaient à nouveau orientés à la baisse mercredi sur le marché européen, avec un blé sous les 210 euros la tonne et un maïs sous les 180 euros la tonnes, au plus bas depuis deux ans et demi.

Sur le marché américain, le grain jaune est descendu en séance à son plus bas depuis décembre 2020, à 4,335 dollars le boisseau (25,4 kg).

"Le maître mot des marchés aujourd'hui, c'est une grosse compétition sur la scène internationale qui s'annonce sur la seconde partie de campagne (avant les moissons de l'été) et qui limite tout potentiel de hausse des prix", estime Arthur Portier, consultant senior chez Agritel-Groupe Argus Media France.

Réserves en Russie

Cette concurrence est d'autant plus rude qu'il reste de gros volumes à exporter, notamment en Europe et dans le bassin de la mer Noire.

En Russie, premier exportateur mondial de blé, "il restait encore en ferme 22 millions de tonnes de blé en décembre, alors qu'on était à 13 millions il y a deux ans. (...) Dans ce contexte-là, c'est à celui qui sera le moins cher", relève Arthur Portier.

Le blé français, qui était redevenu relativement compétitif en début d'année, accuse le coup, indique-t-il. "Le blé russe a baissé de manière significative pour regagner des parts de marché et est actuellement aux alentours de 224 dollars la tonne quand le blé FOB (hors frais de transport) Rouen est à 230 dollars la tonne."

Aux Etats-Unis, le bilan hebdomadaire des ventes de la céréale du pain à l'exportation n'est "pas brillant" non plus, face à la féroce concurrence européenne, russe et aussi ukrainienne, selon Jack Scoville, de Price Futures Group.

L'Ukraine a en effet opéré un spectaculaire retour sur l'échiquier agricole mondial, avec des exportations via les ports de la région d'Odessa de 4,8 millions de tonnes (tous grains confondus) en décembre, et de 4,3 MT en janvier, souligne l'analyste d'Agritel. Cela porte le total des exportations agricoles ukrainiennes (avec le transport fluvial, le rail et les routes) à plus de 6 MT en janvier contre moins de 4 MT en septembre.

"Enchères" sur le canal de Panama

Aux Etats-Unis, en dépit de "bonnes ventes" de maïs la semaine dernière, et d'un nouveau contrat pour 155.000 tonnes au Mexique lundi, les cours restent orientés à la baisse, note Jack Scoville.

Les marchés sont "calmes", dans l'attente de trois importants rapports sur les prévisions de production et exportations aux Etats-Unis, au Canada et au Brésil, explique Nick Paumen, de la coopérative CHS.

Il s'attend à une augmentation des stocks américains de soja et à une production argentine en hausse. Les difficiles conditions climatiques au Brésil, qui ont retardé la récolte de soja et dans la foulée les semis de maïs pour la Safrinha - seconde et principale récolte - pourraient conduire à une révision à la baisse de la production dans ce pays, tant pour le maïs que pour le soja.

Pour l'heure, souligne Alan Brugler, de Brugler Marketing and Management, les prix du soja brésilien "sont inférieurs aux prix américains", alors que l'oléagineux est tombé lundi à un plus bas depuis début novembre 2021 à la Bourse de Chicago.

En outre, les Etats-Unis - dont les clients pour le soja sont en Asie - sont pénalisés par les restrictions massives de navigation sur le canal de Panama à cause du faible tirant d'eau.

"Ils (l'autorité gérant le canal) mettent le droit de passage aux enchères et bien souvent les cargos chargés de grains ne peuvent soutenir la compétition face aux pétroliers et gaziers", relate Alan Brugler.

Conséquence: une grande partie des bateaux partent de l'ouest, en Oregon ou dans l'Etat de Washington, et on leur envoie les cargaisons en train jusque là-bas", explique-t-il, ce qui rallonge la durée de transport.

A l'approche du Nouvel an chinois (samedi), qui marque un ralentissement des achats, et alors que le cheptel de porcs chinois a été réduit, il est peu probable de voir un rebond important de la demande en Asie.

afp/rp