Pour les énergumènes comme moi qui doivent trouver tous les matins des idées pas trop bancales pour vous informer et vous divertir, les semaines boursières comme celle qui démarre ce matin sont une malédiction et du pain béni en même temps. Une malédiction parce qu'il y a trop de choses à couvrir en même temps. En l'occurrence, trois banques centrales et quelques centaines de résultats d'entreprises. Mais du pain béni parce qu'il y a forcément quelque chose à raconter, ce qui écarte l'angoisse de la page blanche. Il y aura donc plein de temps forts dans les jours qui viennent et je ferai mon possible pour être compendieux, à défaut d'être rigolo.

Ceci dit, je crois pouvoir dire sans trop me tromper que c'est la posture de la banque centrale américaine mercredi qui prendra le pas sur tout. Je sais qu'il y a parmi vous de nouveaux lecteurs ou auditeurs, aussi vais-je faire un aparté pour rappeler pourquoi les investisseurs sont capables de placer la politique monétaire au-dessus de la situation économique, de la géopolitique, des bénéfices des entreprises et de la dernière pitrerie d'Elon Musk ou de Bernard Arnault (c'est une vue théorique, Bernard Arnault ne fait pas le pitre, en tout cas pas en public). Je fais volontairement quelques raccourcis, mais c'est pour ne pas être trop long.

Partez du principe que les investisseurs cherchent en général à anticiper ce qui va se produire à un horizon prévisible. Cela leur permet d'optimiser leurs allocations d'actifs. Par exemple, miser sur des entreprises qui ont des résultats solides ou qui sont peu endettées quand les perspectives économiques se dégradent. Ou investir sur des sociétés cycliques dont les résultats s'envolent quand l'économie s'apprête à repartir. Il y a de nombreux schémas classiques de ce type dans la finance.

Depuis la crise financière de 2007/2008, les banques centrales ont pris en main les destinées économiques en noyant les craintes d'effondrement du système financier sous l'argent frais. Elles ont habitué les investisseurs à évoluer dans un univers où les liquidités sont abondantes. Du coup, ces investisseurs ont pris des paris de plus en plus risqués. Eh oui, quand l'argent coule à flots, il peut irriguer des zones dans lesquelles les financiers n'iraient même pas en rêve dans des conditions normales. Des bulles spéculatives se font formées. Quelques-unes ont éclaté en 2022, notamment parce que les banques centrales ont été forcées de réduire l'accès à l'argent gratuit par peur d'une spirale inflationniste. Pour ce faire, elles ont détricoté leurs programmes de rachat d'actifs tout en relevant leurs taux directeurs. Les investisseurs ont alors réduit drastiquement leurs paris les plus risqués : adieu SPAC, actions-mèmes, sociétés sans modèle économique, cryptomonnaies farfelues, etc. Actuellement, le marché guette le moment où les banques centrales (et quand je dis banques centrales, c'est surtout la Fed qui est en ligne de mire) vont cesser de relever leurs taux. Parce que cela signifie deux choses : d'une part que la situation économique est stabilisée. Et d'autre part que le moment où les taux baisseront à nouveau se rapproche. Dit autrement, un nouveau cycle de croissance pourrait faire son apparition et l'argent coûtera moins cher. D'où le retour de l'appétit pour le risque.

C'est peu ou prou la situation actuellement. Et les investisseurs cherchent à avoir deux coups d'avance. Ils savent que la Fed va encore relever ses taux, probablement deux fois d'ici la fin du printemps, mais ils jouent d'ores et déjà l'embellie qui, espèrent-ils, suivra. Pour éviter de rater le train en marche, ils montent dans le wagon en avance, si vous voulez. Mercredi, la Fed annoncera vraisemblablement une nouvelle hausse de taux, mais limitée au minimum syndical, 25 points de base. Tentera-t-elle de refroidir les ardeurs du marché ? C'est la vraie inconnue de la semaine.

Car le mois de janvier a vu les acheteurs revenir massivement en bourse. Notamment sur des paris cycliques ou un peu osés. Le goût du risque se lit sur les palmarès indiciels : la hausse dépasse 14% en janvier pour le MSCI China, le Hang Seng ou le Merval argentin. Le Nasdaq américain, étrillé en 2022, a repris 11% en un mois. De nombreuses places gagnent 9 à 10% depuis le 1er janvier, ce qui est exceptionnel : Paris, Madrid et Séoul notamment. La semaine dernière, les indices américains ont été à la fête, pendant que l'Europe, qui avait pris un meilleur départ 2023, n'a que modestement progressé.

La semaine sera donc marquée par les décisions de politique monétaire des banques centrales. La Fed mercredi, puis la BCE et la Banque d'Angleterre jeudi. Il y aura aussi les résultats d'une quarantaine de sociétés pesant plus de 100 milliards de dollars sur l'agenda des publications cette semaine. Dont aux Etats-Unis Apple, Alphabet et Amazon le 2 février au soir. En Europe, Novo Nordisk, Novartis, Roche, Shell et Sanofi notamment. Mais ce ne sont pas les seules et quelques centaines d'entreprises plus petites sont aussi programmées sur les principaux marchés mondiaux.

On poursuit avec, pêle-mêle, quelques informations du weekend :

  • Les États-Unis, le Japon et les Pays-Bas sont parvenus à un accord pour limiter l'accès de la Chine à certaines technologies-clefs des semiconducteurs.
  • Dans un domaine connexe, le Wall Street Journal a révélé que le principal laboratoire nucléaire militaire chinois a continué à utiliser des puces de pointe américaines en dépit de l'embargo de 1997.
  • Au Royaume-Uni, Rishi Sunak a limogé un de ses ministres, le président du Parti conservateur, Nadhim Zahawi, en raison de ses démêlés fiscaux.
  • Le président de la Chambre des représentants, Kevin McCarthy, a annoncé qu'il rencontrerait le président Joe Biden mercredi pour discuter du relèvement du plafond de la dette fédérale.
  • Les marchés actions de Chine continentale ont rouvert ce matin après une semaine de relâche pour le nouvel an lunaire.
  • En Inde, la bourse reste secouée par les révélations du fonds baissier Hindenburg sur l'empire Adani. Adani Enterprises rebondit après la publication d'un rapport de réfutation de plus de 400 pages, mais certains de ses satellites sont encore chahutés en bourse.

Quoi de neuf sur les marchés orientaux ? Le Japon grappille quelques points avec un Nikkei 225 en hausse de 0,07%, pendant que l'ASX australien est de l'autre côté de la barrière en baisse de 0,16%. A Hong Kong, le Hang Seng subit des dégagements après un début d'année très favorable (-2,2%). La Chine continentale reprend en hausse modérée (+0,6% pour le CSI 300), pendant que Taiwan est nettement plus motivé par la réouverture après la semaine fériée : le TAIEX s'envole de 3,8%. Le début de semaine est plus morose à Séoul (-1,4%) à cause des prises de bénéfices sur le gros contingent de valeurs technologiques coréennes. Enfin comme expliqué précédemment, l'Inde reste en retrait, avec un SENSEX en baisse de 0,2%. Les indicateurs avancés européens sont baissiers pour lancer cette semaine riche en événements. Le CAC40 perdait 0,5% à 7056 points peu après l'ouverture. 

Les temps forts économiques du jour

Deux statistiques aujourd'hui en Europe : le PIB allemand du T4 dans sa première estimation (10h00) et les indices de confiance de la zone euro pour janvier (11h00). Tout l'agenda ici.

L'euro est stable à 1,0868 USD. L'once d'or se négocie 1932 USD. Le pétrole perd du terrain, avec un Brent de Mer du Nord à 86 USD le baril et un brut léger américain WTI à 79,28 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans stagne à 3,50%. Le bitcoin navigue non loin de ses meilleurs niveaux récents, à 23 700 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Amundi : Deutsche Bank passe de conserver à acheter en visant 72 EUR.
  • BMW : Berenberg passe d'acheter à conserver en visant 95 EUR.
  • Castellum : J.P. Morgan passe de neutre à souspondérer en visant 140 SEK.
  • Emmi : Research Partners démarre le suivi à l'achat en visant 1100 CHF.
  • Givaudan : Barclays reste à souspondérer avec un objectif de cours réduit de 3000 à 2850 CHF.
  • HeidelbergCement : HSBC passe de conserver à acheter en visant 68 EUR.
  • HelloFresh : Barclays passe de surpondérer à pondération en ligne en visant 25,50 EUR.
  • Hennes & Mauritz : Deutsche Bank passe de conserver à acheter en visant 150 SEK.
  • Hexpol : DNB Markets passe d'acheter à conserver en visant 120 SEK.
  • Koné : Morgan Stanley passe de surpondérer à pondération ligne en visant 54 EUR.
  • L'Oréal : Barclays relève son objectif de cours de 375 à 420 EUR.
  • Orange : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 10,25 à 10,40 EUR.
  • Partners Group : Deutsche Bank passe d'acheter à conserver en visant 1000 CHF.
  • Porsche AG : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 96,80 à 120 EUR.
  • Renault : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 36 à 43 EUR.
  • Rentokil : Numis passe d'accumuler à conserver en visant 470 GBp.
  • Roche : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 380 à 350 CHF.
  • Sanofi : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 91 à 100 EUR.
  • SGS : Morgan Stanley passe de pondération ligne à souspondérer en visant 2100 CHF.
  • Sinch : Morgan Stanley passe de pondération en ligne à souspondérer en visant 32 SEK.
  • Stellantis : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 19 à 18 EUR.
  • Svenska Cellulosa : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 149 à 159 SEK.
  • Veolia : Citigroup relève son objectif de cours de 21 à 26,80 EUR.
  • Vicat : HSBC réduit son objectif de cours de 23 à 20 EUR.
  • Volkswagen : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 160 à 145 EUR.

En France

Résultats des entreprises (les commentaires sont données à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Alten : la croissance organique 2022 a atteint 17,7%. Le début 2023 est dans la même lignée, selon le management.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Renault va réduire à 15% ses parts dans Nissan, tout en confirmant les liens opérationnels entre les deux groupes. Par ailleurs, le constructeur augmente en moyenne ses salaires de 7,5% en 2023, à l'issue des négociations annuelles obligatoires.
  • TotalEnergies et Eni ont finalisé le transfert à QatarEnergy d'une participation de 30% dans des blocs d'exploration au large des côtes du Liban.
  • Kering nomme Sabato De Sarno (Valentino) comme directeur de la création de Gucci.
  • Saint-Gobain finalise l’acquisition de Termica San Luis en Argentine.
  • Le Dupixent de Sanofi est le premier et seul médicament ciblé approuvé par la Commission européenne pour le traitement de l'œsophagite à éosinophiles.
  • BMW dément être intéressé par les actifs de la branche leasing de Société Générale, ALD, mis en vente pour satisfaire aux exigences antitrust dans le cadre du rachat de Leaseplan.
  • Rexel réalise deux acquisitions en Amérique du Nord et cède son activité en Norvège.
  • Orpea rouvre les discussions avec la CDC et demande la suspension de sa cotation.
  • "L'appétit pour le ski est bien là", assure la Compagnie des Alpes.
  • Pharmasimple signe un prêt de 5,6 M€ avec Alpha Blue Ocean dont une partie refinance un prêt antérieur. En garantie, ABO a des sûretés sur les actifs de la société.
  • Ils ont publié aussi / ils sont sur l'agenda : Seb, Elis, Wavestone

Dans le monde

Résultats des entreprises (les commentaires sont données à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Philips : les résultats annuels sont plus élevés que prévu. Le groupe sa supprimer 6000 postes de plus.
  • Ryanair : le chiffre d'affaires du T3 fiscal ressort à 2,31 Mds€.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Toyota Motor a vendu 10,5 millions de véhicules en 2022, ce qui lui permet de conserver son titre de numéro un mondial des constructeurs automobiles.
  • Volkswagen s'attend à récolter les fruits de ses lourds investissements à partir de 2026.
  • Unilever confie le poste de CEO à Hein Schumacher.
  • Eni signe un accord gazier de 8 Mds$ en Libye.
  • Baidu prévoit de lancer une intelligence artificielle similaire à ChatGPT d'ici le mois de mars en Chine.
  • Deka demande le remplacement rapide du directeur général de Bayer, Werner Baumann.
  • Elon Musk fait l'objet d'une enquête de la SEC pour son rôle dans l'information sur les capacités de conduite autonome de Tesla.
  • Le Trésor italien a signé une lettre d'intention avec Lufthansa pour la vente d'une participation minoritaire dans la compagnie publique ITA Airways (ex-Alitalia).
  • Rheinmetall veut augmenter sa production d'armements.
  • Adani Enterprises qualifie l'étude baissière d'Hindenburg de fraude boursière préméditée.
  • En faillite, la compagnie Flybe cesse son activité et annule tous ses vols.
  • Principales publications du jour : Unicredit, Sumitomo Mitsui, NXP Semiconductors, Canon, Philips, Galp Energia, Computacenter, InterrollTout l'agenda ici.

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