La récente détérioration de la situation économique européenne et mondiale a conduit les autorités politiques à prendre des mesures pour soutenir la croissance ou à affirmer qu’ils étaient prêts à intervenir en cas de nouveau coup dur.

Ainsi, les banques centrales chinoises, brésiliennes et australiennes ont récemment baissé leurs taux directeurs pour faciliter l’accès au crédit des agents économiques (ménages, entreprises et Etats), décision inédite depuis décembre 2008 pour la Chine.
Cette situation met une nouvelle fois en lumière l’importance des autorités publiques pour réguler l’économie et éviter un effondrement des marchés financiers puis une crise systémique.

A la différence de 2008 où les dettes privées ont été transférées dans la sphère publique, ce sont majoritairement les Etats qui ont besoin de se financer. Les entreprises conservent une situation financière globalement seine.

Le rôle des banques centrales

Les banques centrales influent sur l’économie

Pour intervenir sur l’économie réelle, les banques centrales disposent d’instruments très puissants : elles peuvent agir sur des variables qu’elles contrôlent (taux directeur, taux de réserve obligatoire, taux de réescompte,…). Ces variables influent sur d’autres qui constituent des objectifs intermédiaires (taux d’intérêt, masse monétaire (M3), taux de change sur les devises,…). Enfin, ces variables influent sur les objectifs finaux, ce sur quoi les banques centrales veulent intervenir : taux de croissance, taux d’inflation, taux de chômage et déficit commercial.
 
Présentation de la FED

La Fed est dirigée par Ben Bernanke. Elle est composée de 12 banques fédérales de réserve réparties dans les plus grandes villes américaines, chacune est dirigée par un Président. Huit fois par an, le FOMC, Federal Open Market Commitee se réunit pour décider de la politique à appliquer. Il est composé de 7 membres nommés par le Président américain, du Président de la Banque fédérale de New York (la plus importante) et de 4 autres gouverneurs par alternance (parmi les 11 banques fédérales).
Deux fois par an (en début et milieu d’année), une réunion exceptionnelle se tient, elle dure 2 jours et fait le point sur la politique monétaire devant le Congrès.
 
Des divergences notables entre la Fed et la BCE

Selon les zones économiques et la situation macroéconomique, les banques centrales ont des objectifs différents. L’objectif principal de la BCE est de contenir l’inflation à moins de 2% par an. De son côté, la Fed a pour objectif principal la croissance économique pour tenter d’atteindre le plein emploi. Depuis la crise de 2008, la BCE a été contrainte de se rapprocher du modèle de la Fed pour favoriser la relance de l’économie et tenter de faire diminuer le taux de chômage.


 
 
En rouge : Zone euro
En blanc : Etats-Unis


Bilan économique de la FED

Le livre beige

Le livre beige de la Fed reporte que l’activité économique continue à se développer à un rythme modéré depuis avril jusqu’à mai, globalement dans toutes les zones géographiques des Etats Unis.

Le secteur industriel continue de progresser dans la plupart des districts, à l’exception de Philadelphie, Richmond et Saint Louis. La demande est la plus forte dans l’acier et le secteur automobile. En revanche, la récession en Europe et l’incertitude au niveau politique intérieur pourrait dégrader à court terme la situation.
Les dépenses au détail restent stables ou en légère progression dans quasiment tous les districts. Les dépenses de consommation des ménages ressortent en hausse ou stable. Les ventes de véhicules neufs restent importantes, et soutenues pour le marché de l’occasion. Les secteurs du tourisme et du voyage restent bien orientés notamment grâce aux voyages d’affaires et au tourisme de loisirs favorisé par une bonne météo printanière (printemps le plus chaud depuis 1910 !).
La demande pour les services non financiers reste stable ou en légère progression depuis la dernière étude. Certains districts notent des augmentations dans le domaine de la technologie de l’information, d’autres dans le domaine de la santé.
Le marché de l’immobilier s’améliore aussi et les ventes de logement retrouvent leur niveau de l’an dernier. Concernant le secteur financier et bancaire, les établissements bancaires enregistrent une légère augmentation de la demande de prêts.
 
Le discours au Congrès

Lors de son discours devant le Congrès américain, Ben Bernanke est revenu sur les risques qui pèsent actuellement sur l’Union européenne en déclarant « qu’il faudra en faire plus pour stabiliser les banques de la zone euro, calmer les marchés à propos des finances publiques et aboutir à un cadre fiscal crédible ». Il est revenu sur le lien étroit entre la situation financière de l’Europe et l’économie des Etats-Unis en déclarant que la situation de l’euro faisait peser des risques importants sur leur économie.

Concernant l’économie américaine, la Fed a fait ressortir les points positifs suivants : elle prévoit une croissance modérée au cours des prochains semestres, soutenues par une politique monétaire accommodante (taux directeurs maintenu à des niveaux exceptionnellement bas). L’humeur des consommateurs est ressortie meilleur que l’an dernier grâce à une détente des prix  sur le marché de l’énergie ; l’augmentation des dépenses de consommation reste relativement soutenue. Les exportations américaines tiennent bon, en effet, le déficit commercial s’est élevé à 50.1 milliards d’euros contre 52.6 milliards précédemment. Enfin, la Fed juge les entreprises américaines de plus en plus compétitives, ce qui constitue un atout de taille face à la concurrence grandissante des marchés émergents.
 
Les scénarios envisagés

Assouplissement monétaire…

Néanmoins, le marché de l’emploi reste un problème de taille pour le pays qui doit faire face à un taux de chômage de 8.2% alors qu’il était inférieur à 5% début 2008. Les embauches progressent à un rythme le plus lent depuis 12 mois. De plus, une action coordonnée de politique monétaire très accommodante avec la Chine et les Etats Unis, combinée à une politique budgétaire de relance américaine et même chinoise pourrait offrir des leviers de croissance très importants.

Les Présidents de la banque fédérale de Chicago et de San Francisco Charles L. Evans et John Williams se sont déclarés favorables à prendre de nouvelles mesures (pas forcément dans l’immédiat) pour soutenir le marché de l’emploi. C. Evans s’est prononcé pour garder un taux d’intérêt inchangé jusqu’à ce que le chômage reflue sous 7% et que l’inflation atteigne 3%. De son côté, J. William a reconnu que la Fed ne pourra tenir ses objectifs en matière d’emploi et d’inflation. Pour lui il est vital de maintenir une politique monétaire extrêmement accommodante.

De plus, récemment le Président américain ainsi que son secrétaire au trésor T. Geithner ont appelé les dirigeants européens à prendre des mesures pour favoriser la croissance et redonner des débouchés à l’économie américaine en difficulté. Dans la perspective de sa réélection au mois de novembre, le Président en fonction pourrait céder à la tentation de relancer ponctuellement l’économie par de la création monétaire. En effet, dans l’histoire des Etats-Unis, jamais un Président a été réélu avec un taux de chômage supérieur à 8%
 
… ou Statu quo ?

La politique budgétaire des Etats Unis très déficitaire (125 milliards de dollars pour le mois mai) en raison de plans relance coûteux et d'une politique fiscale très avantageuse pourrait peser dans la balance. En effet,  la dette américaine qui a atteint 100% du PIB du pays à 15.733 milliards de dollars pourrait devenir problématique et être dégradée par les agences de notation. De nouveaux plans d’assouplissement monétaire encourageraient l’Etat fédéral à dépenser car les déficits seraient financés par la création monétaire.
Autre problème de taille, l’inflation : la Fed tablait sur une hausse des prix comprise entre 2.1 et 2.8% cette année. En avril les prix ont progressé de 0.4% par rapport au mois précédent. Sur un an, elle affiche une hausse de 2.3% et 1.3% hors énergie et alimentation.
De plus, il semble que la Fed ne souhaite pas épuiser tous ces moyens d’actions dans l’immédiat et garder des marges de manœuvre au cas où la situation viendrait encore à se détériorer.

Nous constatons donc une préférence pour conserver une politique monétaire très souple et se tenir prêt à intervenir en cas de nouvelle dégradation. De plus, le Président de la Réserve fédérale Ben Bernanke reste toujours inquiet sur la situation de l’emploi. Mercredi 6 juin, 3 membres du Comité ont annoncé que la Fed pourrait intervenir davantage si la conjoncture viendrait à se dégrader. La réunion du FOMC qui se tiendra les 19 et 20 juin permettra d’être fixée sur la ligne de conduite de la politique monétaire américaine.
 
Répercutions sur les marchés

Conséquences envisageables

La potentielle injection de liquidités dans l’économie américaine par l’intermédiaire d’un 3ème quantitative easing serait lourde de conséquence. En effet, cette intervention aurait pour effet immédiat de diluer la monnaie dollar donc de faire baisser son cours. Ainsi, le cours de toutes les matières premières libellées en dollars devraient chuter. Les devises asiatiques, plus liées au dollar que l’euro devraient moins se déprécier.

Concernant les marchés actions, une potentielle intervention de la Fed dans l’économie par l’intermédiaire d’une nouvelle injection de liquidités pourrait être très positive. Rappelons deux faits : en début d’année, le Cac 40 a rapidement rallié les 3600 points (+20% en 3-4 mois) sur fonds de LTRO (opération de refinancement à long terme qui apporte des liquidités sur le marché). On peut aussi noter la surperformance du marché américain par rapport aux marchés européens en raison d’une politique monétaire américaine très souple (taux proche de 0 et opération de quantitative easing) ; ainsi, sur un an, le Cac perd 20% tandis que le S&P 5000 prend 4%.

Le Président de la Réserve fédérale d’Atlanta M. Lockhart estime que 4 éléments vont peser sur les perspectives de l’économie américaine et donc la décision de la Fed : l’évolution du marché immobilier, l’évolution de la situation européenne, l’accélération de la baisse de la croissance des pays émergents ou un changement de cap dans la politique budgétaire américaine.  

Stratégie à adopter

Les investisseurs qui veulent se positionner sur les marchés actions devront donc opter pour des positions longues et ne pas se faire manipuler par le marché. Le secteur bancaire, des assurances et les valeurs cycliques auront le plus gros béta, à la hausse comme à la baisse. Attendre plus de visibilité et notamment l’issue du scrutin en Grèce semble plus prudent pour se positionner sur les marchés à risque. Pour rappel, les agences de notation estiment à 30% la probabilité de sortie de la Grèce de la Zone euro.