Paris (awp/afp) - Les cours du blé ont dévissé ces derniers jours, des Etats-Unis à l'Europe, dans un marché toujours dominé par la Russie, premier exportateur mondial qui pratique depuis des mois des prix défiant toute concurrence.

"On a assisté ces derniers jours à un repli généralisé des céréales. C'est une correction sévère pour le blé", qui a enchaîné quatre séances consécutives de baisse sur le marché européen, relève Sébastien Poncelet, du cabinet Agritel (groupe Argus Media).

La céréale du pain est ainsi descendue mardi sur Euronext jusqu'à 221,25 euros la tonne sur l'échéance de mars, la plus échangée, un niveau qu'elle n'avait plus connu depuis l'invasion de l'Ukraine, en février 2022. L'échéance la plus rapprochée (actuellement celle de décembre) avait clôturé lundi à 213 euros, son plus bas niveau depuis juillet 2021.

Aux Etats-Unis, la chute a été plus rude encore, le contrat rapproché sur le blé de variété SRW (Soft Red Winter) est descendu lundi jusqu'à 5,2750 dollars le boisseau (environ 27 kg), une première depuis septembre 2020.

La tendance baissière n'est pas une nouveauté: la Russie, assise sur un tas conséquent de blé après deux récoltes exceptionnelles, écoule ses stocks, envisageant d'exporter jusqu'à 50 millions de tonnes cette campagne 2023-24.

Incertitudes chinoises

A cela s'ajoute "la montée en puissance des exportations ukrainiennes depuis les ports en eau profonde" de la région d'Odessa, qui a permis à l'Ukraine d'écouler 2,3 millions de tonnes de blé, orge et maïs en octobre, un niveau jamais vu depuis la fin de l'accord céréalier avec la Russie en juillet dernier, souligne Damien Vercambre, du cabinet de courtage Inter-Courtage.

Du fait de leurs prix, les grains originaires de mer Noire, russes, ukrainiens mais aussi roumains et bulgares, sont plus compétitifs que le blé meunier français.

En France, premier exportateur européen, "on termine un mois de novembre désastreux pour les exportations vers les pays tiers (hors UE), de l'ordre de 300.000 tonnes, soit un tiers de ce qu'on pourrait attendre à cette période", souligne Sébastien Poncelet.

Le carnet de commande français avait retrouvé des couleurs après de gros achats chinois, mais "des rumeurs de report, de décembre à mars, d'une commande de 200 à 250.000 tonnes" à destination de ce marché, ont douché les espoirs d'un rebond des ventes, a-t-il expliqué, alors que la baisse du dollar par rapport à l'euro renchérit les produits européens.

"Toute la question désormais est de savoir si cette nouvelle baisse des cours aura apporté des gains de compétitivité suffisants pour rendre le blé français attractif", pour Sébastien Poncelet, notant que le blé remontait mercredi en séance.

Le cours du maïs était lui plus hésitant sur Euronext, à la fois du fait d'une montée en puissance des exportations ukrainiennes et de faibles achats en Europe.

Mississippi et Panama

Aux Etats-Unis, la chute a été brutale. Mardi, le maïs américain est tombé à 4,5060 dollars le boisseau (environ 25 kg), pour la première fois depuis 2020. Un nouveau plus bas a été atteint mercredi en séance, à 4,47 dollars.

"Les exportations n'ont pas été fameuses. Le niveau du Mississippi est toujours relativement bas, ce qui a un impact" à la baisse sur les prix, relève Austin Schroeder, de Brugler Marketing and Management, évoquant également la situation sur le canal de Panama.

Tenant compte du faible niveau du canal, la Panama Canal Authority a annoncé fin octobre de nouvelles restrictions, pour descendre à 18 navires par jour début février, contre autour de 36 en conditions normales.

"Cela augmente clairement le coût de transport" et rend les grains américains moins attractifs à l'export, a expliqué Austin Schroeder.

Il estime par ailleurs que la situation au Brésil, premier exportateur de maïs, où la pluie est récemment tombée après des semaines de sécheresse, n'est "pas un facteur" de soutien des prix.

Autre mauvaise nouvelle pour le maïs et le soja américains: "les acheteurs chinois se sont mis en retrait" avec les accélérations d'abattages de porcs en Chine, ce qui "a mis le marché sous pression de manière très agressive", selon Michael Zuzolo de Global Commodity Analytics and Consulting.

Selon des observateurs, beaucoup d'éleveurs chinois veulent réduire leur cheptel après une année de cours déprimés, tandis que d'autres veulent anticiper, car les cas de peste porcine se multiplient. Ils espèrent que cette liquidation va permettre aux cours de se redresser.

afp/rp