* Un blessé évacué après des affrontements

* Agriculteurs, artisans, Medef manifestent ensemble

* 75% des Bretons opposés à l'écotaxe-sondage

par Pierre-Henri Allain

PONT-DE-BUIS, Finistère, 26 octobre (Reuters) - Entre 500 et 1.000 manifestants venus avec tracteurs et poids lourds se sont violemment heurtés aux forces de l'ordre samedi à Pont-de-Buis, dans le Finistère, à proximité du dernier portique de contrôle de l'écotaxe encore intact de la région.

Les manifestants ont lancé des oeufs et des feux de détresse sur les gendarmes mobiles qui ont répliqué par des tirs de grenades lacrymogènes et de flash-ball. Un manifestant a perdu connaissance après avoir été touché par un projectile des forces de l'ordre et a été évacué.

Les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre se sont poursuivis durant plusieurs heures.

Agriculteurs, chefs d'entreprise, artisans et commerçants étaient venus de tout le Finistère à bord de près de 140 véhicules pour protester contre la mise en place de l'écotaxe dans un contexte de crise économique qui met à mal le secteur agroalimentaire breton.

Cette taxe sur les transports de plus de 3,5 tonnes, votée par la majorité précédente, doit financer les investissements contre l'usure des infrastructures routières, provoquée par les transporteurs, et inciter les chargeurs à privilégier des moyens de transport plus respectueux de l'environnement.

Près de 75% des Bretons s'y disent opposés, selon un sondage Ifop pour Dimanche Ouest-France publié samedi.

"Ici tout est basé sur l'agriculture et l'agroalimentaire et tout le monde se sent concerné. J'ai l'impression d'être sur une poudrière prête à exploser", a déclaré à Reuters Pierrick Henry, patron d'une entreprise de charcuterie artisanale à Brest.

Côte à côte sur une estrade, délégués syndicaux, représentants du patronat et responsables agricoles ont réclamé le retrait de l'écotaxe, qui doit entrer en vigueur à partir du 1er janvier 2014.

"On refuse l'écotaxe et on ne lâchera pas tant qu'elle ne sera pas annulée", a déclaré Pierre Balland, président du Medef du Finistère.

En début de semaine, le gouvernement a annoncé que le caractère excentré de la Bretagne serait pris en compte, avec un abattement de 50% sur le taux kilométrique et l'exclusion du réseau taxable du principal axe routier reliant l'est et l'ouest de la région, la RN 164. (voir )

DOUX, GAD,... L'AGROALIMENTAIRE EN CRISE

Beaucoup de manifestants, décidés à démonter coûte que coûte le portique de Pont-de-Buis, ont évoqué l'impact des difficultés du groupe volailler Doux ou la fermeture de l'abattoir de porcs Gad de Lampaul-Guimiliau sur l'ensemble de l'économie régionale.

"Toutes les semaines on a un impôt nouveau, on vit une désespérance alors que cela fait quarante ans qu'on se bat", a dit à Reuters Jean-Pierre Le Verge, exploitant agricole à la retraite et ancien président de Breizh Europe, un organisme qui défend les intérêts bretons à Bruxelles.

Des pneus et des ballots de paille ont été incendiés à proximité du portique de Pont-de-Buis, le dernier encore debout dans le Finistère, les deux autres ayant été sabotés ces derniers mois.

Une partie des manifestants étaient coiffés de bonnets rouges en référence à la "révolte du papier timbré", un mouvement breton de contestation contre des taxes imposées en 1675 par Colbert pour renflouer les finances royales.

"Ce qu'on voit aujourd'hui, c'est la Bretagne en feu, et ce n'est que le début. On l'avait prévu, mais on ne nous écoute pas", a dit à Reuters Nadine Hourmant, déléguée Force Ouvrière à l'abattoir Doux de Chateaulin. (avec Marion Douet à Paris, édité par Henri-Pierre André)